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Au Bénin, menaces protectionnistes sur le renouveau économique

Grâce à des réformes libérales, le Bénin a pris la tête des pays producteurs d’or blanc en Afrique, avec une production de 765 000 tonnes en 2020. © Stefan HEUNIS/AFP.

Le Bénin a réalisé, ces dernières années, de belles performances économiques. En 2022, son taux de croissance est ainsi estimé à 6,3 %, contre 7,2 % en 2021. En 2020, malgré le choc provoqué par la crise sanitaro-économique du Covid-19, le pays, avec ses 3,8 %, fait partie des rares à afficher un taux de croissance économique positif. Cette dynamique est le résultat du déploiement de politiques économiques ambitieuses relevant d’une espèce de « ponocratie libérale ».

Ponocratie (ponos signifie travail en grec), car le président Patrice Talon a voulu mettre l’accent sur l’activité en flexibilisant le marché du travail avec l’une des dispositions de la loi du 29 août 2017, qui prévoit que le contrat à durée déterminée peut être renouvelé indéfiniment. Libéral, car un vent de liberté économique a soufflé sur plusieurs secteurs économiques au Bénin.

Vent libéral

Les réformes de retour à la libéralisation, entamées en 2016, ont permis de sortir l’État du jeu de la production dans la filière coton. En rendant la gestion de la filière à l’Association interprofessionnelle du coton (AIC), composée de tous les intervenants de celle-ci, les retards de fourniture des intrants ont cessé, ce qui permet un rendement optimal.

Conséquence ? Le Bénin a pris la tête des pays producteurs d’or blanc en Afrique, avec une production de 765 000 tonnes en 2020, contre un peu plus de 200 000 tonnes en 2016. Mais, désormais, le vent de la liberté économique souffle moins fort.

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Le 17 avril dernier, Gaston Dossouhoui, ministre béninois de l’Agriculture, de l’Élevage et de la Pêche, a indiqué « qu’à partir du 31 décembre 2024, plus aucun œuf, plus aucun poulet congelé ne rentrera au Bénin ». La raison avancée ? Le poulet étranger – maudit soit-il ! – qui envahit les marchés béninois pour détruire la filière poulet-bicyclette béninoise ! L’argument sanitaire est, lui aussi, avancé, mais il n’en est pas un ; s’il en était, des règles de contrôle sanitaire auraient été décidées.

Le consommateur sacrifié

Cette décision, quand elle entrera en vigueur, liquidera purement et simplement le pouvoir d’achat des Béninois, en particulier des plus modestes. Ainsi, afin d’accorder des privilèges aux producteurs de poulet-bicyclette, l’État est prêt à nuire au consommateur béninois.

Ce dernier perdra 2 000 F CFA en pouvoir d’achat si l’interdiction d’importation entre en vigueur, puisqu’en moyenne, là où le poulet-bicyclette coûte 3 500 F CFA (5,34 euros), le poulet congelé n’en coûte que 1 500.

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Ces 2 000 F CFA, le consommateur ne pourra plus en disposer pour s’acheter un tee-shirt, une paire de chaussures ou tout autre produit de consommation. C’est donc aussi le fabricant de tee-shirts, de chaussures, etc. que l’on appauvrit en forçant le consommateur à dédier une part non négligeable de ses revenus à l’achat d’un poulet.

À partir de 2025, un Béninois touchant le salaire minimum (52 000 F CFA actuellement) et qui consomme un poulet par semaine devra en effet consacrer environ 26 % de sa paie à ce plaisir, plutôt que 11 % précédemment.

Tergiversations béninoises

Dans le même temps, les tergiversations du Bénin dans le cadre de la ratification du traité instaurant la Zone de libre-échange continentale africaine (Zlecaf) envoient un signal très peu positif. La Banque mondiale (BM) a montré que la Zlecaf pourrait accroître le revenu régional de 7 %, soit 450 milliards de dollars de plus, et sortir 30 millions de personnes de l’extrême pauvreté d’ici à 2035.

Pour le cas spécifique du Bénin, dans le dernier rapport « Diagnostic-pays du secteur privé », la Société financière internationale (SFI, IFC en anglais) a indiqué que la Zlecaf permettra au pays de mieux desservir les grands marchés du Nigeria et de la région.

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Symboliquement, l’absence de ratification béninoise risque de sortir le pays de l’histoire qui se fait. La Zlecaf incarne le rêve du panafricanisme ; plus exactement, le panafricanisme houphouëtiste ou senghorien – celui de Kwame Nkrumah ou de Ahmed Ben Bella restant un repère placé à l’horizon. On l’oublie souvent, mais l’échange est le socle du développement économique et moral des sociétés (c’est la fameuse théorie du doux commerce de Montesquieu).

Enfin, quand on empêche les biens de traverser les frontières librement, ce sont les soldats qui les traversent. Le Bénin doit renouer avec la « ponocratie libérale » qui a fait de lui un des pays africains les plus dynamiques sur le plan économique.

Article écrit publié en premier sur JeuneAfrique.Com

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