Publié le 12 septembre 2025 Lecture : 3 minutes.
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Que faisait Steeve Rouyar le 6 juin à Lomé ? Plus de trois mois après l’arrestation de ce Français expatrié au Togo, où il risque une lourde condamnation, ses proches dénoncent des zones d’ombre et appellent à sa libération. Ce jour-là, une rare mobilisation secoue le pays.
La jeunesse descend dans la rue pour protester contre l’arrestation de voix critiques, la hausse du prix de l’électricité et surtout la nouvelle Constitution, qui permet à Faure Gnassingbé de se maintenir au pouvoir sans limite de mandats. Trois jours plus tard, le parquet de Lomé annonce qu’un Français figure parmi la cinquantaine de « manifestants » arrêtés le 6 juin.
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Sa famille apprend qu’il s’agit de Steeve Rouyar sur les réseaux sociaux. « Ça nous a fait un gros choc, confie son frère Mickaël. On sait très peu de choses sur la manière dont il a été arrêté et les motifs d’inculpation. »
Comment cet expert-comptable de 44 ans, père de deux enfants, originaire de Guadeloupe et installé au Togo depuis novembre 2024, s’est-il retrouvé mêlé aux soubresauts de la politique locale ?
Selon une source ayant accès au dossier, Steeve Rouyar est poursuivi pour troubles à l’ordre public aggravés, faits qu’il a reconnus devant un juge d’instruction, pour lesquels il risque un à cinq ans d’emprisonnement. Mais aussi pour « atteinte à la sûreté de l’État », ce qu’il nie.
Il aurait notamment participé à la fabrication de tracts, avant d’être arrêté lors d’un rassemblement et détenu au Service central de recherche et d’investigation criminelle (Scric), affirme la même source.
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Militant engagé
Son frère assure ne pas savoir « dans quelle mesure [Steeve] a pris part au mouvement », même s’« il devait avoir une sensibilité pour ce qui se passait » au Togo. Car l’expert-comptable est aussi un militant engagé. En Guadeloupe, d’abord, où il a démarré son activité il y a vingt ans, après avoir grandi en région parisienne. Il se présente aux législatives de 2017, 2022 et 2024, notamment sous la bannière du Nouveau front populaire (gauche) – et récolte chaque fois moins de 1 % des voix.
Sur son compte Facebook, dont le dernier post remonte au 6 juin, il fustige régulièrement la politique d’Emmanuel Macron, la vaccination anti-Covid, et affiche son soutien à la cause palestinienne. Ces derniers mois, il partage des publications à la gloire des juntes qui ont pris le pouvoir par la force au pouvoir au Mali et au Burkina Faso voisins. Il relaie aussi les messages d’influenceurs panafricanistes, pourfendeurs de l’ancienne puissance coloniale.
Sa famille assure qu’il est venu au Togo pour ouvrir un nouveau cabinet d’expertise-comptable sur un marché africain porteur, avant de se heurter à des démarches administratives plus complexes que prévu.
« Il m’a dit : “Je ne suis pas avec l’opposition, je suis avec le peuple” », ajoute son père, Dominique Rouyar, joint au téléphone. Ce dernier se dit « très inquiet » pour son fils, « détenu dans des conditions inhumaines et assis dans le noir toute la journée » avec 11 codétenus. « On ne lui donne pas à manger, on ne l’emmène pas se promener, il dort à même le sol », assure-t-il.
Lors de leur dernier échange téléphonique fin août, il lui a confié être « très amaigri ». « Je n’ai pas reconnu sa voix », dit encore Dominique Rouyar. Contacté, le Quai d’Orsay n’a pas commenté sa situation.
Selon l’opposition, la violente répression des manifestations de juin a fait sept morts – le parquet a fait état de 5 morts « par noyade ». Une source gouvernementale togolaise a assuré à la presse que « l’état de droit [était] bien respecté », demandant de « laisser la justice faire son travail » en attendant la fin de l’instruction.
(Avec AFP)
Article écrit publié en premier sur JeuneAfrique.Com