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Dans le Cotonou des saveurs avec Georgiana Viou, nouvelle étoilée du guide Michelin

La cheffe franco-béninoise Georgina Viou, sur un marché aux fruits de Cotonou, en janvier 2023. © Charles Placide pour JA

Même en déambulant des heures entre les étals de Dantokpa – qui revendique fièrement son statut, jusqu’à présent incontesté, de plus grand marché d’Afrique de l’Ouest –, on aurait le temps de n’en découvrir qu’une infime partie. Un aperçu suffisant, cependant, pour avoir une idée du foisonnement des saveurs qui composent la cuisine du Bénin.

Face à des monticules de crabes bleutés côtoyant une multitude d’épices disposées en dômes, flanqués de pyramides de tomates dressées dans des seaux en plastique, une commerçante travaille vigoureusement la pâte des beignets qu’elle fera « frire minute » dans quelques instants. « Au Bénin, on en consomme beaucoup au petit-déjeuner, avec des bouillies lisses ou à grains », explique Georgiana Viou, en se saisissant de la feuille déjà imbibée d’huile qui enveloppe les en-cas.

Une cuisine franche

De passage dans sa ville natale, la cheffe franco-béninoise vante volontiers les saveurs de la gastronomie locale, « une cuisine franche, aux goûts marqués », dont elle a rassemblé les pépites dans son ouvrage Le Goût de Cotonou (éd. Alain Ducasse, 2021).

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Lorsqu’on lui demande de décrire, plus généralement, la cuisine du pays, Georgiana Viou répond que « le goût du Bénin varie en fonction de l’endroit où l’on habite, au nord ou au sud, en ville ou à la campagne – et de sa situation – selon que l’on est élève, maçon, cadre… ».  Mille variations, donc, pour une constante : là encore, des saveurs « prononcées », grâce à un éventail d’aromates et de condiments qui font office d’exhausteurs. « La base de l’assaisonnement, c’est l’ail, le gingembre, l’oignon et le poivre », égrène la cheffe en examinant un bouquet de citronnelle.

Associations terre-mer

Georgiana Viou passe ensuite à un étal de poissons fumés. Elle porte à sa bouche un extrait de la pêche du jour, un petit bout de chair caché sous une peau couleur de bronze. « La cuisine béninoise est constituée de sauces, dans lesquelles on trouve beaucoup d’associations terre-mer, pour donner plus de goût. Ainsi, dans une même sauce, peuvent se mêler du crabe, du poisson fumé, de la crevette et de la couenne de bœuf », précise la cheffe.

Des associations que l’on retrouve sur la carte toute méditerranéenne de son restaurant, Rouge, à Nîmes, dans le sud de la France. « J’introduis parfois des goûts ou des produits béninois dans ma cuisine. Ce sont des saveurs qui me parlent et me plaisent, sans doute parce que j’ai baigné dedans », raconte celle qui a grandi dans une famille où l’on cuisinait aussi bien des quiches lorraines que des mans – des plats béninois à base de feuilles, de légumes et de viande, et dont la recette se décline à l’infini.

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« Mais je ne m’oblige pas à mettre systématiquement des accents du Bénin dans mes plats. Mon restaurant n’est pas un restaurant béninois », rappelle-t-elle en faisant rouler entre ses doigts un azonbébé, un petit fruit circulaire à la peau orange vif.

Huîtres de Ganvié, feijoada de Ouidah

Elle n’en garde pas moins en mémoire les saveurs du bléfoutou (le fruit de l’arbre à pain) chaud, de l’huile de palme – « dont les notes se dégagent à mesure que l’huile monte en température » –, ou le goût amer de la pâte noire ou de l’agouti, petit rongeur dont la viande est très prisée dans les pays du golfe de Guinée. Autant de plats dont elle détaille les recettes et leurs variantes, vantant les huîtres de Ganvié – la plus grande cité lacustre du continent –, mangées frites ou en brochette, ou évoquant la feijoada de Ouidah, héritée de l’époque coloniale portugaise.

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« Le Bénin mérite de se visiter au gré de ses plats. D’une ville à une autre, d’une région à une autre, on découvre des cuisines différentes. On peut traverser le pays en suivant des saveurs, des odeurs », résume-t-elle.

En attendant, le voyage se poursuit au cœur du labyrinthique marché de Dantokpa. Et il faudra commencer à en chercher la sortie, l’heure du déjeuner approchant, sans avoir réussi à trouver « le temple de l’igname pilée », le petit commerçant ambulant qui, depuis des années, prépare la célèbre pâte. « Il y a une véritable culture de la nourriture de rue, ici. Résultat : les lieux où l’on mange apparaissent et disparaissent sans cesse. C’est une quête permanente. »

Article écrit publié en premier sur JeuneAfrique.Com

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