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Quelles perspectives pour l’art africain ?

Longtemps réduit à des objets artisanaux décoratifs et/ou utilitaires, ou encore aux seules expressions culturelles des sociétés et des groupes sociaux du continent, l’art africain est mieux considéré depuis quelques années. Au Bénin, notamment, il représente un enjeu économique majeur, et les initiatives visant à le valoriser foisonnent. Le Festival international des arts du Bénin (FInAB) en est d’ailleurs le dernier exemple. Un regain de dynamisme à saluer, certes, mais qui invite aussi à s’intéresser de plus près à l’écosystème artistique africain.

Records de ventes

Porté par un savoir-faire ancestral, l’art africain n’a jamais été autant mis en lumière. Dans toutes les disciplines (sculpture, peinture, arts plastiques, arts de la scène, cinéma, littérature, mode, etc.) et aux quatre coins du continent, les artistes rivalisent d’idées et de prouesses. En 2021, les ventes des créateurs africains ont atteint un montant record : 72,4 millions de dollars, soit une hausse de 44% par rapport à l’année précédente. En 2017, l’industrie musicale africaine avait rapporté plus de 17 milliards de dollars, hors concerts – un chiffre en augmentation en dépit de la parenthèse liée à la crise du Covid-19.

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Aujourd’hui, les artistes africains se placent régulièrement dans les hits mondiaux, figurent sur les plateformes de streaming les plus cotées, se produisent sur les plus grandes scènes musicales et cinématographiques de la planète, voient leurs œuvres exposées dans les plus grands musées et galeries ou vendues dans les maisons d’enchères les plus reconnues, lesquelles n’hésitent pas à créer des départements et des collections consacrées aux créations du continent. En 2022, Paris est ainsi devenue la première place du marché de l’art africain, devant Londres, New York ou Bruxelles, où un certain dynamisme est également observé.

Elle est loin l’époque où l’évocation même de la notion d’art africain n’était réservée qu’à un certain milieu. L’Afrique, berceau de l’humanité, n’est plus en marge du jeu. Elle en est partie prenante. C’est d’autant plus louable que les artistes sont confrontés à de nombreux défis.

Un chemin d’épines et de ronces

Le parcours est en effet loin d’être aisé pour les acteurs culturels du continent, confrontés, pour la plupart, à une absence de professionnalisation, de structures et de mécanismes de promotion. Leur début de carrière est un chemin jonché d’épines et de ronces, où ils doivent tout autant faire preuve d’opiniâtreté et d’abnégation que d’ingéniosité et d’inspiration.

Absence de plateformes de production, manque de moyens, de couverture médiatique et de considération, quasi absence de formation, protection superficielle des droits d’auteur… L’Afrique a du pain sur la planche, estimait en 2015 un quotidien français, qui reconnaissait tout de même que l’art constitue l’une des principales richesses du continent et que, pour l’obtenir, il n’est pas besoin de faire des forages profonds. Néanmoins, et fort heureusement, des initiatives, aussi bien privées que publiques, ayant vocation à soutenir les acteurs du secteur artistique et culturel émergent régulièrement.

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Elles peuvent émaner des Africains de la diaspora ou des États, qui, soucieux de retrouver leur identité culturelle ou de doper leurs revenus touristiques, se mobilisent, proposent, encouragent ou favorisent de telles initiatives. Parmi elles, la Biennale de Dakar (Dak’art), qui existe depuis plus de deux décennies au Sénégal, le Festival international du film de Marrakech, au Maroc, le célèbre Fespaco au Burkina Faso, les Rencontres de Bamako (Mali), la Triennale de Luanda (Angola), le LagosPhoto Festival (Nigeria), le Miato (Togo) et, enfin, le Festival international des arts du Bénin (FInAB), dont l’une des originalités, en dehors du fait qu’il se déroule dans trois villes du pays (Cotonou, Porto-Novo et Ouidah), est de transformer la capitale en une « galerie à ciel ouvert où les filières d’art s’entrecroisent ». De sept, le nombre des biennales est passé à près de vingt au cours de la dernière décennie.

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Dans le même temps, musées et centres consacrés à l’art africain poussent comme des champignons sur le continent, à l’heure où les États, s’ils ne se dotent pas de législation pour accompagner davantage les artistes et faire de ce secteur « un pourvoyeur de richesses et d’emplois », font pression sur l’Occident pour qu’il leur restitue les trésors pillés au temps de la colonisation.

La création, une économie de marché

Forte de ces avancées, l’Afrique regarde beaucoup plus sereinement l’avenir du secteur culturel. Avec la multiplication des festivals et de bien d’autres initiatives, l’ambition tient en une phrase : « Désormais, il faudra saisir toutes les occasions. » C’est le credo du Bénin, qui, depuis 2016, a mis les arts au service de son rayonnement touristique. Plusieurs centaines de millions de francs CFA ont été ainsi engagés dans la construction et la réhabilitation d’infrastructures. Et les pouvoirs publics ne comptent pas s’arrêter en si bon chemin. Au contraire ! À preuve, dans sa dernière mouture, le Plan d’action du gouvernement (PAG) à l’horizon 2026 consacre 585 milliards de francs CFA à la réalisation d’une douzaine de projets orientés vers le développement des arts, de la culture et du tourisme.

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S’il a pris son temps, le continent a aussi pris la mesure de la situation : la création, c’est aussi une économie de marché, pour paraphraser le photographe ivoirien Paul Sika. L’art africain ne sera plus seulement produit, mais distribué efficacement. Pour y parvenir, le secteur devra se doter d’institutions et de structures fortes pour assurer sa promotion et son rayonnement, capables d’intervenir comme des entreprises multinationales et de s’imposer durablement dans le paysage comme des références incontournables. Une chose est certaine, en Afrique, il y a un passé, un présent et un avenir pour le secteur de l’art.

Article écrit publié en premier sur JeuneAfrique.Com

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