
Publié le 18 juillet 2025 Lecture : 3 minutes.
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Pendant deux heures ce jeudi 17 juillet, Bachir Ben Barka, fils de l’opposant marocain, a été auditionné par la nouvelle magistrate chargée des investigations menées à Paris. L’instruction, qui court depuis 1975, est présentée comme la plus ancienne en France.
« On sent cette juge vraiment impliquée. En un an, elle s’est imprégnée du dossier et elle veut mener des investigations, a déclaré le fils de Mehdi Ben Barka, entendu comme partie civile. L’enquête n’est pas au point mort. » « Le temps écoulé favorise la relecture des pièces sous un jour nouveau », assure même celui qui a été auditionné pour la première fois en 1975 et n’avait pas été auditionné depuis 2019.
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De nombreuses hypothèses
Soixante après les faits, le mystère demeure. Comment ce grand acteur de l’indépendance est-il mort ? Où est son corps ? Figure de proue du mouvement anticolonialiste et opposant au roi Hassan II, Mehdi Ben Barka, 45 ans, avait été enlevé le 29 octobre 1965 devant la brasserie Lipp à Paris. Condamné à mort par contumace par la justice marocaine, il n’est jamais reparu.
De nombreuses hypothèses ont été envisagées : son corps aurait été coulé dans du béton à proximité d’une autoroute, découpé en morceaux, dissous dans une cuve d’acide, enterré dans la forêt de Saint-Germain-en-Laye, ou sous la mosquée d’Evry, deux lieux proches de Paris. D’autres assurent que sa tête aurait été rapatriée au Maroc et enterrée dans une ancienne prison secrète…
Quelle est l’intime conviction de son fils ? « Je ne veux pas m’en faire, répond-il à l’AFP. Il y a eu tellement de fausses pistes, j’attends que les faits soient vérifiés par la procédure judiciaire ».
Un premier procès en 1967 a permis d’établir que l’enlèvement avait été planifié par les services secrets marocains avec la complicité de policiers et de truands français. Mais l’affaire n’avait pas été totalement élucidée. « Il est avéré que les services israéliens sont impliqués dans la disparition, que les services français et américains en ont eu connaissance en amont », soutient Bachir Ben Barka. Surtout, « le cynisme des autorités marocaines et françaises, qui jouent la montre, me met en colère », insiste-t-il.
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« Mascarade »
Bachir Ben Barka dénonce des commissions rogatoires internationales au Maroc « sans réponse ». Ou encore « la mascarade » jouée selon lui par l’État français, quand le gouvernement a annoncé déclassifier plus de 80 pièces… Alors qu’elles « étaient déjà au dossier ». « Je pense qu’ils attendent que tous les témoins soient morts », déplore le fils de l’opposant marocain.
Côté suspects, sur les cinq mandats d’arrêt émis en 2007 par un juge d’instruction parisien, « deux » seulement sont encore valables (visant le général Hosni Benslimane, chef de la gendarmerie royale au moment des faits, et Miloud Tounsi, alias Larbi Chtouki, un membre présumé du commando) car « les trois autres personnes visées sont décédées ».
« Dans ce type de dossiers, le temps n’est pas un ennemi, il peut être un atout, a toutefois relevé Me Marie Dosé, avocate de Bachir Ben Barka. Des témoins peuvent oser parler, des dossiers être déclassifiés… »
À l’été 2010, une perquisition inédite avait été réalisée au Service de documentation extérieure et de contre-espionnage (Sdece, services secrets) devenu Direction générale de la sécurité extérieure (DGSE), menant à la saisie de plus de 400 archives. Mais seuls « des documents mineurs » avaient été déclassifiés, selon Bachir Ben Barka. « On essaie depuis de faire déclassifier les autres, a-t-il ajouté. Il faut faire sauter le mur de la raison d’État ».
(Avec AFP)
Article écrit publié en premier sur JeuneAfrique.Com