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Tofâ, la voyance « d’intérêt public » au Bénin

Un ciel serein dans lequel se cachent quelques gros nuages. Voilà ce à quoi devrait ressembler l’année 2023 au Bénin. Cette annonce a été faite par le fâ (consultation divinatoire) organisé le dimanche 4 décembre 2022 dans la cour de la mairie de Godomey, commune d’Abomey-Calavi limitrophe de Cotonou. Comme les précédentes, cette quinzième édition du Tofâ (ou Toffâ, consultation pour le pays) réunissait les grands prêtres du fâ, appelés bokonons, ainsi qu’une foule de Béninois, tous curieux de savoir sous quels signes le Bénin allait vibrer en 2023.

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« Le fâ est un système de divination millénaire par lequel les hommes peuvent recevoir des messages des dieux. Ces messages se présentent sous forme de signes que seuls les prêtres du fâ peuvent interpréter, et qui concernent la destinée d’un individu ou d’une communauté », explique Antoine Hounkpè, chercheur spécialiste de cet art divinatoire inscrit par l’Unesco sur la liste du patrimoine culturel immatériel de l’humanité en 2008 et qui se pratiquerait depuis le XVIIIe siècle dans le royaume d’Abomey. Le signe principal révélé par le fâ pour le pays est le sa-tchê, accompagné de signes secondaire (trukpin-lètè) et tertiaire (losso-mèdji).

Mauvais sorts

Globalement, l’année 2023 s’annonce « apaisée » et « fructueuse » pour les affaires. Mais, par-delà ce sa-tchê optimiste, le fâ, intermédiaire entre les hommes et les dieux, avertit de quelques dangers susceptibles de troubler la quiétude des Béninois : risques d’épidémies, d’effondrements de bâtiments, de naufrages au large des côtes, de malversations financières au sommet de l’État, etc. Un lot de malheurs éventuels auxquels s’ajoutent – incongrûment – « des risques importants de trahison et d’infidélité de la part des femmes ».

« Le Bénin pourrait aussi souffrir de la persécution étrangère de la part d’un pays proche », ajoute David Koffi Aza, l’un des initiateurs de la cérémonie. Et de préciser que ces avertissements ne constituent pas une fatalité dans la mesure où ils sont suivis de recommandations formelles qui doivent permettre d’éviter que ces prédictions ne se réalisent.

Ainsi, pour ceux qui veulent traverser 2023 en paix, le fâ interdit en particulier la pratique de l’avortement, le port de vêtements rouges et de perles rouges pour les femmes, et il suggère aux Béninois d’éviter la colère et la nervosité dans la vie quotidienne. Quant aux autorités du pays, elles doivent renforcer les systèmes de surveillance et de régulation du transport maritime, ou encore intensifier les contrôles dans le domaine du génie civil.

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Face à certaines menaces révélées, les précautions seules ne suffiront pas. Pour en limiter les dégâts et trouver des solutions, le fâ propose donc des rituels et a pris soin de citer une dizaine de divinités, dans tout le pays, auxquelles consentir quelques sacrifices afin de bénéficier de leurs faveurs et de conjurer les mauvais sorts. La plupart de ces rites sacrificiels ont été effectués avant même la fin de l’année 2022, d’autres s’échelonneront tout au long de cette année.

Récupération politique ?

Bien que le Tôfâ et les cérémonies expiatoires aient un intérêt public, ils ne bénéficient d’aucun financement public connu. Selon des informations recueillies auprès du comité d’organisation du Tôfâ, la manifestation coûte environ 4 millions de F CFA (6 098 euros). « J’ai personnellement supporté les frais d’organisation pendant les dix premières éditions », rappelle David Koffi Aza, qui souligne que, depuis 2017, le financement est assuré par les cotisations des bokonons et celles de contributeurs de bonne volonté, « y compris des personnalités politiques ».

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De quoi alimenter la polémique sur les interférences de ces dernières dans cette consultation du fâ. Certains pensent que les prêtres bokonons livrent un message « lissé » pour ne pas gêner les autorités dans leur gestion du pays, d’autres sont convaincus que leurs annonces sont « dictées » par les politiques afin de « détourner l’attention du peuple de l’essentiel ». Ce que démentent formellement les organisateurs du Tôfa.

Article écrit publié en premier sur JeuneAfrique.Com

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