Vingt ans plus tard, le Darfour sombre à nouveau dans le chaos
Cet article vous est proposé dans le cadre d’un partenariat entre le New York Times et Jeune Afrique. Il a été initialement publié ici.
Il y a deux décennies, le mot « Darfour » faisait le tour du monde comme le symbole des atrocités commises en toute impunité dans un pays lointain. Aujourd’hui, l’histoire se répète. Les atrocités se multiplient dans les villes et les villages de l’ouest du Soudan. Et une fois de plus, le monde semble incapable, ou peu disposé, à agir pour y mettre fin.
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Depuis que la ville d’El-Fasher est tombée, au cours du week-end du 25-26 octobre, aux mains d’une force paramilitaire, des images et des témoignages font état d’un massacre. Des habitants ont été abattus alors qu’ils fuyaient la ville à travers les champs. Le directeur de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) affirme que des centaines de personnes ont été tuées en une seule journée dans le dernier hôpital de la ville. Des vidéos montrent des victimes exécutées sans ménagement.
Ceux qui survivent au périple difficile vers Tawila, à 65 km de là, où opèrent encore quelques organisations humanitaires internationales, racontent la terreur, la famine et la mort.
Blindés, pick-up, artillerie lourde et drones
Les paramilitaires, connus sous le nom de Forces de soutien rapide (FSR), sont les héritiers des Janjawids, des milices principalement arabes qui ont terrorisé le Darfour au début des années 2000 et qui sont accusées d’avoir commis un génocide. Les rivalités ethniques qui ont alimenté le chaos au Darfour il y a deux décennies semblent être à l’origine de nombreux abus aujourd’hui.
Mais les combattants qui sèment la terreur au Darfour sont mieux armés, mieux organisés et mieux financés que jamais. Avant, ils se déplaçaient principalement à dos de cheval et de chameau ; aujourd’hui, ils disposent de véhicules blindés et de pick-up. Avant, ils incendiaient des villages ; aujourd’hui, ils tirent à l’artillerie lourde, pilotent des drones sophistiqués et bénéficient du soutien de l’un des pays les plus riches de la région, les Émirats arabes unis.
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Dans le passé, les paramilitaires avaient combattu aux côtés de l’armée soudanaise. Aujourd’hui, les deux camps s’affrontent dans une guerre sans merci qui a déchiré le Soudan et déjà provoqué, à bien des égards, la pire crise humanitaire au monde.
L’ambition du général Hemetti
Alors que les Janjawids semblaient déterminés à dominer le Darfour il y a plusieurs décennies, les FSR veulent désormais régner sur tout le Soudan, le troisième plus grand pays d’Afrique. La guerre civile entre l’armée soudanaise et les FSR, qui a éclaté en avril 2023, trouve en partie son origine dans les ambitions politiques du chef des FSR, le général Mohamed Hamdan Daglo, plus connu sous le nom de Hemetti.
Avant la guerre, le général Daglo se présentait comme un leader national, voire même comme un démocrate. Il disait défendre la cause du peuple soudanais qui se sentait marginalisé par l’armée, laquelle domine le pays depuis les années 1950 et est dirigée par quelques groupes ethniques du nord du Soudan. En août, Daglo a déclaré son propre gouvernement parallèle, dont le siège se trouve dans la ville de Nyala, dans l’État du Sud-Darfour, afin d’asseoir sa légitimité.
Mais sur le champ de bataille, ses troupes ont continué à commettre des atrocités, visant souvent les membres de l’ethnie Zaghawa. Les Nations unies et les organisations de défense des droits humains qualifient ces atrocités de crimes de guerre. L’administration Biden les a qualifiées de génocide. Les violences sexuelles sont également très répandues, selon l’ONU.
Le siège d’El-Fasher
Jusqu’à fin octobre, El-Fasher était la seule ville du Darfour à ne pas être contrôlée par les FSR. Face à ces combattants, un contingent de soldats soudanais et des miliciens darfouriens alliés ont tenté de tenir une garnison près de l’aéroport, le dernier qu’il contrôlait dans la région.
Alors que les FSR resserraient leur siège, les combattants ont construit un haut rempart de terre qui encerclait la ville, comme le montrent les images satellites, piégeant finalement environ un quart de million d’habitants à l’intérieur. Les civils qui tentaient de faire passer clandestinement de la nourriture ou des médicaments par-dessus le rempart ont été battus ou tués.
Les habitants ont commencé à mourir de faim et, dans le dernier hôpital encore en activité de la ville, les médecins ont dû nourrir des enfants avec de la nourriture pour animaux, car c’était tout ce qu’ils avaient pour les patients – ou pour eux-mêmes.
Le camp de Zamzam : entre famine et massacre
Il y a deux décennies, des milliers de villageois affluaient vers El-Fasher, capitale de l’ancien royaume du Darfour, cherchant refuge contre les massacres ethniques dans les campagnes environnantes, où les combattants janjawids avaient incendié des maisons dans le cadre d’une politique de la terre brûlée qui est devenue leur marque de fabrique.
Des camps tentaculaires ont vu le jour autour de la ville. Même après le retour d’un semblant de paix dans la région, de nombreux résidents des camps n’ont pas pu rentrer chez eux. Le plus grand camp, Zamzam, a fini par accueillir un demi-million de personnes.
L’année dernière, Zamzam est devenu le centre d’une famine qui s’est depuis propagée dans tout le pays. En avril, des combattants des FSR ont pris d’assaut le camp, le vidant de ses occupants et tuant des centaines de personnes, dont tout le personnel de la clinique médicale, selon les Nations unies.
De l’indignation à l’indifférence internationale
Il y a vingt ans, l’indignation internationale grandissait à propos du Darfour. Des célébrités engagées telles que George Clooney ont fait du Darfour une cause mondiale, menant des marches de protestation auxquelles ont participé des foules immenses dans les rues de Washington.
Pendant un certain temps, la crise au Darfour a été une priorité de la politique étrangère du président George W. Bush, et elle est devenue une source de friction avec la Chine, qui avait investi dans le pétrole au Soudan.
Les derniers massacres ont suscité une condamnation virulente, mais celle-ci s’est largement limitée aux cercles politiques : le Conseil de sécurité des Nations unies, certains membres du Congrès américain et une poignée de politiciens d’autres pays. Peu de célébrités, et encore moins de manifestations de masse, ont fait entendre leur voix.
Réticence à reconnaître le rôle des Émirats arabes unis
L’administration Biden a tenté de promouvoir la paix au Soudan, en exerçant en privé des pressions sur les Émiratis pour qu’ils cessent de soutenir les FSR. Le conseiller spécial du président Donald Trump pour l’Afrique, Massad Boulos, tente de négocier un cessez-le-feu. Mais jusqu’à présent, les signes de succès sont rares. Les efforts de Massad Boulos impliquent des diplomates des Émirats, d’Égypte et d’Arabie saoudite, les mêmes puissances arabes régionales qui alimentent le conflit en soutenant un camp ou l’autre.
Malgré les accusations américaines de génocide, peu de responsables ont été disposés à critiquer ouvertement le rôle des Émirats dans l’attisement du conflit, a déclaré Michelle D. Gavin, chercheuse senior pour les études africaines au Council on Foreign Relations. « Il y a eu une réticence totale à reconnaître publiquement les faits sur le terrain, à savoir que les Émirats arabes unis arment et soutiennent une force génocidaire », a-t-elle déclaré.
En septembre, les Émirats arabes unis ont signé une déclaration, négociée par Boulos, appelant les puissances étrangères à cesser de financer le conflit. Sur le terrain, cependant, cela semble avoir eu peu d’effet, a ajouté la chercheuse. « Tout le monde savait ce qui se passerait lorsque El-Fasher tomberait : en plus des horreurs d’un siège à l’origine d’une famine, les FSR massacreraient la population », a-t-elle déclaré. « Pourtant, cela ne semble pas avoir entraîné de changement dans le comportement des Émiratis. »
Par Declan Walsh
© 2025 The New York Times Company
Article écrit publié en premier sur JeuneAfrique.Com
 
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